par Ph. C. et A. Z.
"C'est le collège qui m'a mis le théâtre en tête."
Depuis son triomphe dans La promesse des frères Dardenne, le comédien Olivier Gourmet a quitté les planches pour les plateaux de cinéma. Une situation qu'il gère depuis l'auberge qu'il a reprise à Mirwart avec Catherine Wels, son épouse, elle aussi ancienne du Collège.
Olivier Gourmet a quitté le collège en 1983. Issu de latin-sciences, il était persuadé qu'il allait faire du théâtre. Hélas, ce que fiston veut, papa ne le veut pas nécessairement. Conflit et flop, voilà Olivier obligé de choisir entre ne pas faire du théâtre et faire autre chose. Il regardait le programme du conservatoire avec une envie de glace à la fraise. Le père tint bon, pas lui. Il s'engagea donc dans la voie très impénétrable, du moins pour lui, d'études en bio. Explications : "En fait, c'est une histoire d'amour. Je sortais déjà avec Catherine Wels et je voulais la suivre à Liège. A défaut de faire du théâtre, je voulais me lancer dans le journalisme. Las, y'avait pas d'études pareilles dans la cité du Torré. Alors, comme il fallait bien faire quelque chose et que j'avais une cousine en bio, j'ai fait bio."
Olivier tiendra le coup au moins pendant deux longs... cours. Puis, le nez dans le programme de l'unif, il a découvert l'histoire de l'art... histoire de passer un an près de sa dulcinée.
Il se disait que de toute façon, il ferait du théâtre l'année suivante. Bien lui en prit, car le papa cèda... Olivier ne s'est pas fait prier. Il s'est inscrit au conservatoire de Liège où en général, les bons élèves décrochent un premier prix en cinq ans. Lui, son ticket, il l'obtiendra en deux ans, question de rattraper le temps perdu. "Ce n'est pas parce qu'on est premier qu'on est automatiquement engagé par un théâtre. D'ailleurs, à part peut-être le théâtre national qui embauche deux comédiens à l'année, c'est la galère. On est choisi pour une pièce, puis basta. Pour s'entretenir et éventuellement obtenir un poste d'assistant, on suit ce qu'on appelle ' le cours supérieur du conservatoire'. Les deux profs qui donnaient ce cours ont été pensionnés et remplacés par deux nominations politiques dont je n'aimais pas du tout le programme. Alors je suis parti à Paris."
Olivier avait une cousine (encore !) qui était déjà dans la ville lumière. Il voulait s'inscrire au cours Chereau, à Nanterre. Chereau est un metteur en scène qui ne prend des élèves qu'une fois tous les trois ans et les suit pendant tout ce temps. Olivier est arrivé en décembre. Mais Chereau organisait son examen sept mois plus tard. Pour ne pas perdre de temps, l'ancien Burois s'est inscrit dans une école privée, le cours Florent. En réussissant haut la main les examens d'entrée, il était admis d'office dans la classe libre ! En juillet, Olivier quitte le cours pour rejoindre Nanterre. Hélas pour lui, Chereau lui annonce qu'il arrête les cours pour faire autre chose. C'est le retour à Liège.
Là, Olivier travaille comme comédien pendant dix ans. Tantôt pour le Théâtre de la Place, pour le Théâtre national ou Varia à Bruxelles.
En même temps, Olivier Gourmet était juré au conservatoire. C'est là qu'en 1994, il fait une rencontre intéressante : "J'étais assis à côté de Jean-Pierre Dardenne. Il m'a dit que j'avais une bonne bouille et qu'il tournait un film l'année suivante. C'était l'histoire d'un gars apparemment sympa et bon enfant, mais qui en fait est un salaud. Je n'étais pas l'archétype du méchant. Il ne fallait pas que les spectateurs se disent : ' Ah, voilà le méchant de l'histoire.' J'ai fait des essais dans son bureau et c'est ainsi que La promesse a commencé. L'avantage, c'est qu'ils étaient en train de rédiger le scénario. Ils me le faisaient lire et j'ai pu modifier certaines choses qui auraient sonné faux dans ma bouche. Puis, ce fut le succès que l'on connaît à Cannes."
Cannes qu'Olivier va peut-être redécouvrir. En ce début avril, les frères Dardenne achèvent le montage de Rosetta, un film dans lequel Olivier tient un petit rôle. C'est l'histoire toujours bien liégeoise d'une jeune de 16 ans, sans boulot ni formation et qui vit avec sa mère alcoolique dans une roulotte. N'en rajoutez plus ! "C'est vrai que comme cela ça semble très noir. Mais dans tous les films de Dardenne, il y a une lueur d'espoir. Comme dans La promesse, quand le fils choisi finalement le bon côté de la barrière..."
En 2001, on devrait voir notre comédien dans un film des Dardenne, fait pour lui.
Olivier Gourmet n'a que de très bons souvenirs du collège. "C'est difficile d'en isoler un, j'en ai tellement... Ce qui me revient en tête, c'est que nous étions une grande famille. Un petit collège où tout le monde se connaissait. Je me dis que c'était très chaleureux. Il y avait une écoute, une attention. On ne se rend pas vraiment compte quand on y est. Puis, il y avait les St-Nicolas..."
Du plus loin qu'il se souvienne, Olivier est persuadé que c'est le collège qui a fait le déclic. Explications : "C'est Bure qui m'a mis le théâtre en tête. Par deux fois, j'ai ressenti un signe. Le premier remonte à ma première année. On disait sixième à cette époque. Déjà, je faisais le clown pour faire rire les autres. Sans que je le voie, le Père Pierre m'avait attrapé et secoué comme un prunier. Il m'avait dit : 'Si tu veux faire du théâtre ou du cirque, tu t'es trompé d'école !' Ce n'était certainement pas le but, mais le mot 'théâtre' n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Le second signe est venu l'année suivante. Roger Lamoureux, qui avait monté une pièce avec les élèves de 5e, était paniqué parce qu'un de ses acteurs, Benoît Pirson, était malade. J'ai été désigné d'office pour le remplacer. J'ai pris cela comme une punition. Heureusement, je n'avais qu'un seul mot à prononcer : 'Maman !' J'étais censé être endormi et je devais me réveiller en sursaut en poussant ce cri. Quand ma réplique est arrivée, j'ai entendu que tout le monde riait, bien plus que quand je faisais le clown ! Autant dire que l'année suivante, j'étais le premier à m'inscrire au théâtre..."
Olivier Gourmet avoue n'être plus retourné à Bure depuis ces années. Toutefois, maintenant qu'il est installé à Mirwart depuis le mois de février, il n'est pas dit qu'il ne passera pas dire un petit bonjour. Salut voisin et bon vent à Cannes !