Vie de château : le Collège d'Alzon à travers le 20e siècle (1re partie)
par Ann Zabus et Benoît Strepenne
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Campé dans un petit village,
entouré de prairies tranquilles, l'Alumnat Notre-Dame de l'Assomption aurait pu s'isoler du monde. Mais au contraire, au fil de son histoire, l'école qui deviendra le Collège d'Alzon a toujours veillé à suivre le meilleur de l'évolution sociale tout en assurant à ses jeunes une formation solide et réfléchie, dans une ambiance familiale. Les mêmes valeurs l’animent depuis plus de cent ans.
Dès 1871, le Père Emmanuel d'Alzon,
fondateur de la congrégation des Assomptionnistes, ouvrait en France des alumnats. À une époque où les ouvriers et fermiers n'avaient d'autre avenir que l'usine ou les champs, il voulait rendre le sacerdoce accessible aux enfants les moins fortunés et s'engageait ainsi dans la voie de la démocratisation des études.
Lorsque, à la charnière des 19e et 20e siècles,
les lois Combes chassent de France les congrégations religieuses, une partie des Assomptionnistes trouve refuge en Belgique. Le 16 octobre 1900, le P. Pierre Descamps et 15 garçons d’origine modeste s'installent dans le château de Bure, ancienne résidence d’été des abbés bénédictins de Saint-Hubert, propriétaires de Bure pendant près d’un millénaire. L'Alumnat Notre-Dame de l'Assomption est né.
Confisqué et vendu comme bien national
par les révolutionnaires français en 1794, le château, comme l’appellent aujourd’hui encore les habitants de Bure, a traversé le 19e siècle sans modifications majeures. Le 20e le marquera profondément. Le monument, ravagé par deux incendies, sera constamment adapté aux exigences nouvelles de sa fonction scolaire.
Mais revenons en 1900
et au bâtiment que découvrent les premiers élèves et leurs professeurs et laissons la parole au P. Emmanuel Bailly, cité par le P. Désiré Deraedt dans son étude Bure 1900 :
‘En vérité, quand nous arrivâmes à Livry en 1886, alors qu’il n’y avait que le vieux bâtiment, nous n’avions pas un local aussi confortable que celui de Bure. La distribution laisse à désirer ; mais elle peut s’améliorer assez aisément : c’est, à mon sens, une belle et solide maison, à chambres magnifiques, propre, bien bâtie, bien conservée, entourée d’un enclos agréable et assez vaste. C’est près d’un joli village, très bon et très catholique. C’est contigu à une grande ferme bien tenue par des gens très honnêtes et des domestiques convenables. Il y a des combles très hauts, très dégagés, très vastes : on peut y établir salles, cellules, etc. Les murs ont, encore sous le toit, une épaisseur de près d’un mètre. L’enclos a des arbres avec quelques allées suffisantes bordées de sapins, avec un verger considérable et un potager étendu et très facile à cultiver : il faudrait ici le plus tôt possible un ou 2 frères convers capables de jardiner un peu.
Il y a de 15 à 16 belles pièces, la plupart de 30 à 36 mètres carrés, assez élevées, sans compter 3 petits dortoirs, 1 salon-chapelle, 1 salon-parloir, 1 réfectoire, une cuisine, un magnifique escalier et vestibule, et un corridor de près de 2 mètres allant d’un bout à l’autre au milieu des pièces. L’appareil de construction est en pierre dure et apparente (autrement solide et sérieux que les moellons et le plâtre du vieux bâtiment de Livry) ; les fenêtres sont géminées et très belles, en pierre et de style ; les portes sont grandes et en chêne comme les parquets. Les charpentes des toits sont en excellent état et très belles. Le bâtiment a 56 mètres de façade et 14 mètres de profondeur avec 4 tours aux extrémités de la maison et de la ferme.’
De tout cela subsiste aujourd’hui bien peu de choses.
C’est que, nous l’avons dit, le 20e siècle n’épargnera pas le château. Le 29 janvier 1918, un premier incendie ravage la majeure partie de la ferme, n’en laissant subsister que le logis des fermiers et le porche d’entrée. Deux des quatre tours dont parle le P. Bailly sont en ruine. La partie du bâtiment qu’occupent les Assomptionnistes est sauve, mais pour bien peu de temps encore.
Si, pendant la Première Guerre mondiale,
l'école avait pu garder ses portes ouvertes, l'incendie de 1918, les dégâts occasionnés par le passage de troupes allemandes en septembre de la même année et des problèmes financiers constants la contraignent à la fermeture en 1920.